Dans cette toute première édition de la newsletter féministe de Culot,
Julia Sirieix part à la rencontre des travailleur.ses du sexe, en situation de grande précarité pendant le confinement.
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Travailleur.euses du sexe, les oublié.e.s du confinement
- Le confinement creuse les inégalités. Parmi les personnes les plus précaires, il y a les travailleur.euses du sexe. Plus de client, aucun statut social et aucune aide financière, iels se retrouvent dans une situation de grande précarité. Leur appel à l’aide au gouvernement reste sans réponse.
« On est dans la situation idéale pour les abolitionnistes : il n’y a plus de clients, il n’y a plus de demande. Est-ce que cela fait disparaître les problèmes sociaux des travailleur.euses du sexe ? Non ! », s’insurge Cybèle, référente Auvergne et Rhône-Alpes du STRASS, syndicat du travail sexuel. Alors que le 13 avril marquait les quatre ans de la loi pénalisant les clients, l’importance de l’accès au droit commun pour les travailleur.euses du sexe (TDS) est plus forte que jamais.
Comme le reste des Français, les TDS sont confiné.e.s et stoppent leurs activités. Seulement, la prostitution n’étant pas une activité professionnelle reconnue par l’Etat français, une crise sociale et financière frappe les TDS : plus de revenus, pas de chômage et pas d’accès aux dispositifs d’aide sociale mis en place par le gouvernement.
Pour pallier cette disparition soudaine de leurs revenus, certain.e.s se tournent vers le camming (NDLR : prestation vidéo via caméra) et les plateformes virtuelles ou encore la vente d’objets (comme les culottes usagées). Mais ce n’est pas si évident, comme le confirme Amar, secrétaire générale du STRASS : « Le camming n’est pas à la portée de toutes. Cela demande une connexion internet stable, de bien parler français… Les retours des escorts que j’ai eus, c’est surtout du découragement, ce n’est pas le cœur du métier. »
D’autres se voient dans l’obligation de braver le confinement pour survivre. Mais la précarisation s’intensifie aussi : « Plusieurs personnes qui continuent de travailler nous ont rapporté que des clients demandent des baisses de tarifs de plus de 50% du prix. En ce temps de crise, c’est très difficile à refuser », raconte Amar. Même observation pour Sacha, travailleur du sexe depuis trois ans. Il travaille en ligne depuis le début du confinement : « La demande de relation excitante virtuelle est en pleine explosion. Mais plus que jamais, des gens frappent à notre porte et ne veulent pas payer. »
En plus de cette baisse et dégradation de la clientèle, les TDS doivent aussi faire face aux forces de l’ordre : « Une petite minorité continue de travailler car elles n’ont pas d’autre choix. Dès qu’une travailleuse du sexe va à l’hôtel ou rejoindre un client, elle est systématiquement verbalisée. Être travailleuse du sexe et aller travailler, ce n’est pas un motif valable pour la police », souligne Amar. Le 6 avril 2020, des associations communautaires de défense des droits des personnes TDS adressaient une lettre ouverte à Emmanuel Macron, alertant le gouvernement sur les conséquences de la crise sanitaire pour les TDS. Elles demandent la création d’un fonds d’urgence, « seule solution pour empêcher les prises de risques associées à l’exercice du travail du sexe ». Pour l’heure, celle-ci reste encore sans réponse. Face à cet abandon de l’Etat, l’entraide est de mise. Pour venir en aide aux plus précaires, des associations organisent des cagnottes en ligne : « Dans les situations d’urgence il faut être présent pour que personne ne meure de faim. On est une communauté très soudée et sans l’aide de l’Etat, c’est la seule ressource sur laquelle on peut compter pour l’instant », explique Amar . Judith, TDS, activiste et créatrice du compte Instagram @tapotepute a lancé une cagnotte en ligne. Elle est parvenue à récolter plus de dix-neuf mille euros depuis le début du confinement. Pourtant cette crise s’accompagne de changements dans le traitement médiatique. « Les journalistes ont compris que c’est bien de nous interroger nous et pas seulement les associations pour accompagner les personnes hors de la prostitution, ou les associations de santé communautaire. On n’est pas là juste pour donner un commentaire larmoyant en prime time à la ménagère de 50 ans », explique Cybèle, référente Auvergne et Rhône-Alpes du STRASS. Pour elle, c’est un pas important qui doit absolument s’accompagner d’une réponse politique adéquate. Pour l’instant, ielles restent les grand.e.s absent.e.s dans les allocutions d’Emmanuel Macron.Iels ne baissent pas les bras
De: Julia Sirieix, le 29.04.2020
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