J’ai été ma propre Mère Noël féministe

Pour Noël, Jessica a fait une liste qui ne s'est pas passée comme prévu

Cette semaine dans la newsletter de Culot
Un samedi sur deux, on t’emmène à la rencontre d’une nouvelle thématique liée au combat féministe. Cette fois-ci, Jessica  te partage sa liste de Noël d’essai, romans et BD féministes. Et le récit d’une liste de Noël qui avait mal commencé.
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Cette année, j'ai été ma propre Mère Noël féministe.

Dire “Je” dans un article, on ne va pas tortiller, ça fait du bien. Dans cette première newsletter de 2022, Jessica, cofondatrice de Culot, prend son gros bic féministe pour vous raconter un Noël qui était mal parti, avant que sa carte bleue ne lui vienne finalement en aide. Tout ceci saupoudré de conseils lectures.
Jessica Martinez, le 15.01.2022

Début décembre 2021, j’ai eu une illumination aussi renversante et pailletée que Hunter Schafer, aka Jules, dans Euphoria. J’ai anticipé pour la première fois en 31 ans d’existence l’annuel texto de ma mère me demandant : “Donne moi des idées de cadeaux à transmettre à tes tantes/oncles/le chat/etc.” Mon cœur vibrant au doux son de textes féministes, j’ai vu là le moyen de faire le plein, tout en ouvrant le dialogue subtilement avec les Moldus-non-féministes de ma famille.

Si j’ai anticipé le coup cette année, c’est parce que pour une fois, des idées, j’en avais. Beaucoup trop d’ailleurs à mon goût pour ma bourse de journaliste freelance et co-créatrice d’entreprise médiatique (Hello Culot ! 👋). Alors j’ai fait une liste des livres et bandes dessinées que j’avais regardé sortir les uns après les autres dans les vitrines des librairies ces derniers mois, et devant lesquels j’avais salivé comme devant une assiette de gruyère légèrement saupoudré de pâtes au pesto.

Ma liste de départ contenait 20 ouvrages. Puis, je me suis rendue compte que ma famille n’était pas aussi vaste. J’ai alors revu mes envies à la baisse, raturé, dealé avec moi-même sur la pertinence de lire le dernier ouvrage d’une autrice dont j’avais par ailleurs déjà lu tout le reste de l’œuvre, remis l’autrice dans la liste, raturé encore… Pour finalement arriver au Graal : une liste merveilleuse des dix ouvrages, que j’ai finalement envoyé avec une pointe de fierté.

Le 24 est arrivé. Et avec lui, sa première salve de paquets, sponsorisés « famille nombreuse et fiestas de Noël en décalées ». Puis le 25 (nouvelle salve, toujours sponsorisée par la même équipe). Puis finalement les autres jours, avec les échanges de paquets avec la famille de cœur cette fois, les ami.e.s, les ex, les nouveaux.elles venu.e.s…

Au matin du 31 décembre, j’ai dû me rendre à l’évidence : mes proches avaient collégialement chié sur ma toute première demande officielle de cadeaux de Noël. Non seulement personne ne l’avait suivie. Mais pire : iels avaient pris le parti de quand même m’offrir des livres, mais à « leurs » conditions :

1) pas un seul ouvrage de nature féministe 

2) ils étaient quasiment tous écrits par des hommes. 

Le pompon étant atteint par l’une de mes tantes, me remettant un livre en me disant « On a vu ta liste, mais personnellement les sujets ne me parlaient pas ». 

L’après-midi du 31, j’ai donc lancé l’opération « se sortir les doigts des moufles ». Après avoir vaillamment rassemblé mes propres euros tombés dans mes poches à la sueur de mon front, je suis entrée chez ma libraire aussi confiante qu’Harry Potter devant un chariot de friandises de Bertie Crochue, en disant : « Je prends tout ».

Je vous laisse donc avec la liste et la photo de mes cadeaux de Noël féministes à moi-même. Et avec cette interrogation : et si on arrêtait d’attendre que ça vienne des autres pour se faire plaisir ? (J’ai fait philo à un moment de ma vie qui dure depuis 10 ans, ne me remerciez pas).

1) « Les Strates”, de Pénélope Bagieu (Editions Gallimard, nov. 2021)

Ah, Pénélope. J’essaie depuis des années de passer rien qu’un Noël sans m’offrir l’un de ses ouvrages, juste histoire de tester les limites du trépignement qui gagne l’intégralité de ma personne à l’annonce de la sortie officielle de ses derniers coups de crayon. Mère des “Culottées” (ses portraits de femmes badass qui par-delà les siècles et les métiers ont fait péter carcans, interdits, étiquettes et autres mots à la con pour dominer les femmes et minorités de genres sans le dire), Pénélope est devenue pour moi cette grande copine qui m’a prise par la main avec douceur pour éveiller mon féminisme à grand renfort de pastels, et d’histoires bien moins “pastelées” de femmes que l’on a tenté de faire taire. Du coup en apprenant la sortie de son premier ouvrage ouvertement autobiographique, (“Les Strates”. Suivez un peu, c’est le titre de ce pâté-paragraphe), comment vous dire que j’ai LOURDEMENT insisté auprès de TOUS mes proches sur le fait que s’il ne fallait en choisir qu’UN de la liste, c’était CELUI-LA. Face à la non-réponse de la foule de Pères et Mères Noël potentiel.le.s en face de moi, j’ai dû me résoudre à envisager l’idée que je m’exprimais aussi clairement qu’un mordu de frangipane un 6 janvier.

Et en fait, vous savez quoi ? Je pense que je devais me l’offrir. J’en suis ravie. Car la plongée dans l’enfance et l’adolescence de cette autrice m’ont particulièrement touchée. Premier animal de compagnie, premier quasi-flocon au ski, premiers émois, premières confrontations aussi aux violences issues de cette société patriarcale… Puis cette sensibilité si particulière pour raconter ce sentiment d’imposteuse, de jamais “assez bien”, de toujours “trop”, qui finit par disparaître au fil des années et d’une jolie quête de soi. En refermant ce carnet-BD, je me suis dit que j’avais une Pénélope en moi. Et j’ai décidé de croire qu’on en avait un peu toustes une en nous.

PS : Si ce n’était pas clair : COURREZ VOUS OFFRIR “Les Strates”. C’est mieux que d’la bombe, bébé.

2) «Garce, hystérique et autres joyeusetés – Comment insulter sans discriminer », de Alice Pfaltzer et Laetitia Abad Estieu (Mango Society, sept. 2021)
 

A ce stade de ce monologue, vous l’aurez peut-être compris : deux* personnalités (*au minimum) cohabitent en moi. L’une qui a envie de dire à des inconnu.e.s dans la rue que le “&”, comme dans “Tom & Jerry”, se dit “esperluette” – et que ça sonne joli. Pendant que l’autre moitié veut vivre sa meilleure vie en ponctuant ses phrases par le mot “chiasse”. Ce double niveau de langage est tel que mes propres parents m’ont appelée un soir à 23h en découvrant le personnage de Debra Morgan dans Dexter, pour me dire je cite : “Elle ponctue ses phrases de “putain”, ça pourrait être ta soeur”. Autant vous dire que lorsque le féminisme est lentement (mais sûrement) entré dans ma vie, un problème de taille à commencé à se poser : comment continuer à ponctuer mes phrases d’insultes, sans pour autant utiliser des expressions racistes-sexistes-validistes-homophobes-transphobes-etc ? Et c’est là qu’intervient ce joyau : “Garce, hystérique et autres joyeusetés. Comment insulter sans discriminer?”.

Origines des insultes, sens réels… Et surtout, réappropriations d’insultes oppressives, pour apprendre à remplacer « connasse » par « bordille », ou encore redécouvrir le plaisir de surprendre la foule à grand renfort de « mange-merde », « fond de benne » ou encore « peigne-cul ».

 

Debra Morgan, aka l’actrice Jennifer Carpenter dans la série “Dexter”

 
3) « Les Contraceptés – enquête sur le dernier tabou », de Guillaume Daudin, Stéphane Jourdain et Caroline Lee. Steinkis Editions/ Oct. 2021)

Suite à une rupture sentimentale qui remonte à la sortie du tube “Peine et Pitié” de Vitaa (en 2017, si vous n’avez pas la ref’), j’ai décidé d’arrêter la pilule après dix années de bonnes et loyales prises d’hormones. En plus de cet arrêt, abrupt pour mon corps au regard de moultes effets secondaires chelous, j’ai aussi réalisé que la charge contraceptive (mentale et financière) avait toujours était pour ma pomme de femme-cis-engagée-dans-des-relations-hétérosexuelles. Quand j’ai commencé à calculer combien nous protéger à deux m’avait coûté (autrement dit, une couille), j’ai fait le serment envers moi-même de systématiquement partager la charge contraceptive avec mes partenaires suivants. Autant vous dire que voir deux hommes cis prendre à bras-le-corps ce sujet et en faire une BD-enquête m’a valu de faire craquer l’élastique de mon legging pref’. 

Stéphane Jourdain et Guillaume Daudin sont journalistes. L’an dernier, à quelques mois de devenir père, Guillaume s’est soudain demandé quelle contraception sa compagne et lui allaient utiliser à la suite de l’accouchement… Et par ailleurs réalisé qu’il ne s’en était jamais préoccupé avant. Ce constat, partagé au milieu d’un dîner, donne une idée aux deux amis : partir sillonner la France à la rencontre d’hommes ayant fait le choix de la contraception masculine, mais aussi de celleux qui ont créé ces méthodes ou les prescrivent depuis des années. D’abord envisagé comme un essai, leur enquête s’est finalement transformée en bande dessinée fouillée sous les traits de la dessinatrice Caroline Lee. Et si j’ai un conseil à nos lecteurs hommes cis, c’est : “Soyez des alliés et offrez-vous le !”. Histoire de peut-être faire pour certains d’entre vous, un tout premier geste vers le partage égal de la charge contraceptive !

PS : Juste pour se marrer entre nous, j’aimerais vous partager deux chiffres. La contraception masculine en France est encore si anecdotique que le créateur de l’anneau thermique a dit n’en avoir vendu “que” 10 000. En comparaison, en France selon un rapport de la DREES sur la santé sexuelle des Français.e.s, 97% des femmes de 15 à 49 ans, engagées dans une relation hétérosexuelle avec une sexualité active et ne souhaitant pas avoir d’enfant avaient recours à une contraception. Soit… Des millions de femmes. Je vous laisse calculer la diff’ avec vos petits doigts. 

4) « Je suis une fille sans histoire », de Alice Zeniter (Editions L’arche, mars 2021)

« Les récits constituent une part énorme de nos existences », écrit l’autrice Alice dès la première page de son essai. Pourtant, constate-t-elle un jour, « une bonne histoire, c’est l’histoire d’un homme remarquable qui fait des trucs – de préférence violents ». En gros, Alice exprime ce que l’on remarque toustes une fois que l’on a chaussé les lunettes du féminisme : «Chiasse! Il n’y a que des mecs cis blancs qui parlent, vivent, courent, chantent, baisent, etc.». Suivi bien vite du constat n°2 : « Où sont toustes les autres ? ». Ou plus particulièrement dans le cas d’Alice « Où sont les femmes et les minorités de genre ? » 

Un bon moyen de s’en rendre compte est de soumettre les œuvres culturelles (films, livres, pièces de théâtre, chanson, autre) au « test de Bechdel », indicateur de sexisme créé parAlison Bechdel en 1985. Le test repose sur trois critères :

« – Premièrement, il y a au moins deux femmes nommées à l’égal des hommes dans l’œuvre (…).

– Deuxièmement, elles parlent ensemble.

– Troisièmement (…) elles parlent d’autre chose que d’un homme. »

Il y a quelques années, aucune des œuvres majeures de ma vie ne réussissait à passer ce test. Un constat qui m’a permis de prendre un uppercut dans les lunettes, et de réaliser que si je voulais commencer à voir le monde autrement, il fallait que je me mette moi-même en quête de représentations « autres ». Que cet « autre » le soit par sa couleur de peau, son genre, la manière dont iel se vit, s’identifie ou encore l’endroit d’où iel vient. Ici, Alice Zeniter déconstruit la manière dont on façonne les grands récits depuis l’Antiquité, et comment on fabrique des “héros” très semblables. Et comment ces récits qui se ressemblent finissent par avoir un impact sur nos représentations de genres dans la “vraie vie”.

PS : En résumé, faites comme Néo. Suivez Alice et le lapin blanc et sortez de la matrice.

5) « Révolution amoureuse », de Coral Herrera Gomes (Collection « Sur la Table », nov. 2021)

Je lis vite, mais pas aussi vite que ça, et regardons ensemble la date : nous sommes le 15 janvier. Autrement dit : je n’ai pas encore lu ce petit bijou. En revanche je peux au moins vous partager pourquoi je le voulais absolument. La première raison est le postulat de cet essai : « A travers nos luttes féministes, nous avons obtenu de nombreux changements sur les plans législatifs et politique, et la dépatriarcalisation est en marche dans de nombreux domaines (…) mais il reste beaucoup à faire aux niveaux sexuel, émotionnel et sentimental ». La seconde, la collection « Sur la Table » est dirigée par Victoire Tuaillon, créatrice et journaliste du délicieux podcast et livre militants « Les Couilles sur la Table » et du non moins époustouflant «Cœur sur la table».

A cela s’ajoute que l’autrice de l’essai est une chercheuse féministe, et que ce livre constitue la quintessence de ses recherches sur l’amour romantique en Occident et ses relations avec le capitalisme, le patriarcat et la démocratie. What else ?

6) Les Grandes Oubliées – Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes » de Titiou Lecoq (Éditions L’Iconoclaste, sept. 2021)

Il est de ces écrits dont on sait qu’il vont nous mettre en colère, avant même de les avoir ouverts. Des années que Titiou Lecoq me fait hurler de rire ou réfléchir à chacun de ses nouveaux articles. Mais elle s’attèle en plus ici à une thématique que je trouve ô combien fondamentale : les femmes ont de tout temps étaient dépossédées de leurs œuvres, découvertes et réalisations. Ou, comme l’écrit Titiou Lecoq, « c’est maintenant, à l’âge adulte, que je réalise la tromperie dont j’ai été victime sur les bancs de l’école. La relégation de mes ancêtres femmes me met en colère. Elles méritent mieux. Notre histoire commune est beaucoup plus vaste que celle qu’on nous a apprise ». Reines, chevaleresses, révolutionnaires, scientifiques, artistes… Vous n’avez pas fini de re-découvrir ou de découvrir le pouvoir des femmes avec ce livre.

7) « Les testaments », de Margaret Atwood (Éditions Robert Laffont, 2019)

Ok, clairement je suis dans l’abus : celui-là est sorti en 2019.

Mais !

J’ai oublié de me l’offrir de manière répétitive pendant tout ce temps. Et comme c’est ma liste de Noël, et que je suis co-parente de ce média, comment vous dire que… On va tranquillement se détendre le bulbe et il va rester dans la liste.

J’ai une obsession pour Margaret. Plus encore pour Defred, l’héroïne de son roman dystopique “La servante écarlate”. Tellement, qu’après avoir lu le livre il y a quelques années, j’en ai rêvé pendant plusieurs semaines, me voyant moi-même prisonnière de cette foutue République de Gilead, où les femmes sont asservies, et triées en castes, parmi lesquelles notamment les Épouses, les Tantes, et les Servantes. Castes que l’on dirait tout droit sorties de nos représentations patriarcales des femmes, entre celles qu’on épouse, celles qu’on ne trouve pas assez belles et qu’on tolère loin des yeux pour un boulot ingrat, et celles qu’on a la générosité de vouloir baiser mais sans-se-faire-chier-avec-la-case-consentement-thank-you. Dans “Les Testaments” et après ce qui fut pour moi une absence de douze ans (Oui, je fais partie de ces personnes qui n’ont pas vu la série), Defred revient. Un retour qui constitue déjà un argument en béton armé pour lire ce deuxième volet. Mais en plus c’est une Defred différente qui nous revient. Elle a changé de statut, elle est au “crépuscule de sa vie” et elle la regarde avec fatigue, recul et dureté. Les choses ont évolué, une révolution est passée par là, qui lui a valu une statue à son effigie. Oui mais voilà : les choses n’ont pas tant changé. “C’est toujours la merde”, comme dirait l’autre. Et le regard à la fois désabusé et conquérant qu’y porte ce personnage complexe m’a paru extrêmement intéressant.

Ps : Je n’ai rien à ajouter ici sans vous spoiler, mais du coup j’en profite pour faire une pause-vérif’: ça va toujours, vous?

8) « Les Impatientes », de Djaïli Amadou Amal (Editions J’ai lu, sortie… en 2019)

Vous allez me dire que je n’ai décidément pas de parole et que je fous n’importe quoi avec cette liste. Et peut-être avez-vous raison. Car « Les Impatientes », aussi est sorti en 2019, a été sacralisé « Prix Goncourt des Lycéens » en 2020, et finaliste du Goncourt (tout court) la même année. Oui mais, voilà : I’ve got a life. En d’autres mots : je n’ai ni eu le temps de l’acheter, encore moins de le lire. Il n’en reste pas moins que cette lecture me titille depuis plus d’un an, et que le lire ces derniers jours m’a fait l’effet d’un café-bien-tassé-qui-réveille-et-qu’on-devrait-toustes-déguster-un-jour.

L’autrice est une romancière et militante féministe camerounaise.  Victime d’un mariage forcé à 17 ans, elle a réussi à divorcer cinq ans plus tard. Avant de devenir progressivement via son travail d’écriture la voix de celleux qu’on n’écoute pas ou si peu. Dans « Les Impatientes », Djaïli Amadou Amal, raconte le destin de trois femmes (entre fiction et histoires vraies) victimes de violences patriarcales et des conséquences de mariages forcés. Un récit d’une grande beauté, où s’entremêlent colère et puissance.

9) « Bagarre érotique – Récit d’une travailleuse du sexe », par Klou (Editions Sex Appeal/Anne Carrière, déc. 2021)

« Je suis une travailleuse du sexe de vingt-quatre ans – une pute, quoi. Vendre une prestation sexuelle n’est pour moi ni dégradant ni traumatisant. Être pute, moi, ça me plaît, et ce qui me choque, c’est que ça choque ». J’ai toujours été attirée par les travailleur.euse.s du sexe. Adolescente, je me suis très rapidement demandée pourquoi les regards se détournaient lorsqu’une jeune femme attendait à la lisière d’un parc dans une tenue sexy, ou pourquoi le simple fait de poser des questions sur cette profession était tabou. En classe prépa à Limoges, c’était les prostituées du parc d’à côté qui m’aidaient à faire mon créneau pour me garer le matin. L’une d’elles, un jour, a même fini par prendre le volant devant mon manque de pratique. Des conseils techniques qui se sont mués au fil des mois en conversations, et pour moi en un constat qui m’a fait tomber de mon fauteuil de petite fille sage : les prostitué.e.s sont des personnes comme les autres.

Pour son premier roman graphique (que j’espère sincèrement être le premier d’une longue série), la dessinatrice et autrice Klou nous raconte son parcours volontaire de travailleuse du sexe. Et sa vision de ce métier, bien loin de la dichotomie entre « grand méchant loup » attendant sa proie au cœur d’un bois sombre et « proie sans défense ». Car dans l’expérience de Klou, la prédatrice, c’est elle. Et le sexe tarifé, l’un des chemins pour s’émanciper et nouer avec sa puissance.

PS : si le journalisme m’apprend une chose presque quotidiennement, c’est qu’on ne connaît pas un sujet avant d’avoir été parler aux personnes qui en sont les acteur.ice.s. Dans ce sens, lire ce roman graphique m’apparaît comme une superbe opportunité d’écouter le récit d’une travailleuse du sexe, au lieu de rester bien campé.e sur nos petites idées sur la question depuis nos salons. En plus, croyez-moi, il est aussi beau que génial.

 10) Mon numéro 10 est un faux numéro 10 (bien qu’il n’y ait que des numéros 10 dans ma Team)

Il est un constat et un mea culpa : après avoir enfilé les lunettes du féminisme il y a des années maintenant, co-créé un média féministe indépendant avec de super meufs et tenté de donner avec elles de la voix à celleux qu’on n’écoute pas, je me rends compte d’un truc relou : j’ai du mal à sortir de ma zone de confort en terme de lectures. Autant j’arrive à privilégier les autrices aux auteurs, et à réaliser que j’ai toujours plus lu de mecs que de meufs (ou identifié.e.s comme tel.le.s), autant je vois bien que je n’ai pas encore le réflexe d’aller chercher des auteur.ice.s issu.e.s d’autres chemins de vie, d’autres cultures ou investi.e.s de questionnements qui me sont moins spontanés. Alors ce numéro 10 va être une invitation entre vous et moi. Une invitation à demander à mes potes et aux vôtres en refermant cette newsletter : « Et toi, qu’est-ce que tu lis ? » et autre « Ah ok, je peux te l’emprunter ? ». Réponses dans nos MP. Nos MP sont ouverts pour partager vos réponses.

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