Illustration: Hugo Devoucoux

L'interdit est levé
L’interdit est levé. Tu es en chemin et je n’en peux plus de t’attendre. Ton train est entré en ville il y a cinq minutes, il ne te reste plus qu’à venir ici. Ces derniers instants sont les plus lourds, les plus chargés. Je les passe accoudée à la fenêtre – je ne veux pas te manquer au coin de rue – et je rêve.
La dernière séparation, on ignorait la suite, mais on savait qu’on ne se reverrait pas de sitôt. Tu m’as chipé une culotte et moi, je t’ai pris un t-shirt. Je m’en suis servi comme taie d’oreiller. La nuit j’y plongeais le nez, j’y criais ton nom, quand mes doigts tiraient sur mes lèvres. Depuis, ton odeur a disparu. Ou plutôt, elle s’est transformée, un mélange de toi et moi dans mon lit, qui titille mais n’assouvit rien.
Quand tu seras là, ce sera le choc frontal, un bras sur l’épaule, un bras à la taille, nos langues qui se goûtent. Je te veux sur moi, en moi. On aura tellement faim qu’on s’échouera dans le salon. Tu me caleras contre la table, et je m’y cramponnerai, pour ne pas perdre pied, pas encore.
Je glisserai mes doigts dans sa bouche, chaude, humide. Tu t’y suspendras presque, y trouveras le goût de moi. Ta main droite se glissera sous ma robe, contre mon ventre, une caresse légère, un moyen de demander la permission avant de descendre. Tes doigts se frayeront un passage, peigneront les poils, joueront avec les boucles. J’en gémirai.
Et toi, tu riras dans ma main, comme toujours, parce que ça te plaît de me faire languir, c’est là ton plaisir. Mais enfin, tu entreras, tendre et ferme comme Boadicée, un doigt entre les murs de mon sexe, et tu le feras aller et venir jusqu’à ce que mon bras lâche.
Plutôt que de me prendre sur la table, tu me feras tomber à plat ventre sur le canapé, et avant que je puisse reprendre mon souffle, tu me baiseras avec tes doigts, puis ta main. A chaque passage, tu iras plus loin ; à chaque passage, je me ferai plus grande, plus ouverte, une autre bouche qui t’appelle, pour t’avaler.
Ton poing fermé ira taper dans mon dos, pour faire écho à ta langue glissant entre mes fesses, trempant la raie. La salive se mêlera à la cyprine. Ta main libre se cramponnera à la chair, tandis que l’autre continuera de creuser mon ventre, comme si tu cherchais à y disparaître.
Je hurlerai dans le coussin, je jouirai autour de ton poignet, et tu me mordras la fesse. Plus tard, on en rigolera, quand on verra la tâche sombre sur le tissu.
Je t’ai manqué au coin de rue, voilà que ça sonne à la porte.
J’arrive, amour, j’arrive…
Une nouvelle de Céline, @selinagyde
Nous avons reçu 16 candidatures pour ce concours, et le choix était difficile. L’illustration a été faite pour l’occasion par l’illustrateur Hugo Devoucoux.
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