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Dans la hotte de notre Jess de Noël, il y a une sélection incroyable de livres et de BD féministes. Allez hop, on déballe !
Pas d'idées lecture ? On est là pour ça !

Nous sommes à quelques heures du réveillon de Noël, et que tu aies encore des personnes à gâter (coucou la #Team Procrastination), ou une furieuse envie de terminer ou de commencer l’année avec des lectures militantes, badass, féministes, queer, inspirantes, envoûtantes… On a pensé à toi.
Voici un top 8 de reco lectures plus survoltées les unes que les autres. À consommer avec la même modération que le chocolat, c’est-à-dire « sans ».
Par Jessica Martinez, le 23.12.22
#1 «Jusqu’au prodige », de Fanny Wallendorf (Éditions Finitude)
Attention : bombe littéraire absolue. Ce roman raconte la fuite pendant trois jours et trois nuits de Thérèse, une jeune fille séparée de son frère par la guerre, et retenue prisonnière depuis des années par un personnage brutal surnommé « le chasseur ». En l’emmenant avec lui chasser, son geôlier lui a transmis sans le réaliser, le savoir qui va lui permettre de se battre pour sa liberté. Ode à la nature et à la quête de soi, « Jusqu’au prodige » vous entraîne dans une course aussi effrénée que poétique. Fanny Wallendorf vit à Troyes. Traductrice et romancière, « Jusqu’au prodige » est son troisième roman.
Extrait
« Le ciel rouge et or, ce soir, est splendide, et je fais une halte pour l’admirer. Combien sommes-nous à le contempler, cachés dans la montagne ? Nous avons tous été instruits par l’horreur de la guerre ; nous avons reçu, rétifs et terrorisés, un enseignement dont il ne sera pas possible de revenir et plus possible de se défaire. Et pourtant, à mesure que s’étale cette mer rouge sur la forêt, je me sens gratifiée d’une force nouvelle, qui me déconcerte : l’espoir me reprend ».
#2 « Amours en cendre », d’Anne Billows (Éditions First)
Pendant ses études supérieures, Andrea rencontre Thomas, aussi charismatique que manipulateur et dangereux. A la chorale, Ferni croise le regard de Patrick, aussi doux en apparence qu’il se révèle violent dans l’intimité. Sophie quant à elle tombe amoureuse de Julien sur un site de rencontre, qui s’avère contrôlant et égocentrique. Montrer dans une bande dessinée trois visages des violences conjugales, c’est le pari qu’a réussi avec maitrise et empathie l’autrice franco-anglaise Anne Billows. Y a-t-il un profil-type d’agresseur ? Comment et à quel moment commence l’emprise ? Pourquoi les personnes victimes de violences conjugales restent-elles ? A travers ces trois portraits croisés, basés sur des histoires vraies, l’autrice et bédéiste aborde ces questions fondamentales, toujours au cœur de nos sociétés ; alors qu’en France en 2020, une femme mourait tous les 3,5 jours sous les coups de son conjoint violent.
Extrait.
« Il faut savoir que tout type d’agresseur peut avoir des jours où il devient aimant, attentionné et gentil. Pendant ces phases, vous pouvez penser que les problèmes ont disparu et que tout reviendra comme au début. Mais la violence finit toujours par revenir, à moins qu’il ait fait un travail sur sa violence… ».
#3 “La Naissance en BD, Tome III”, par Lucile Gomez (Mama Éditions)
Lucile Gomez persiste et signe… Pour rendre le pouvoir aux personnes qui accouchent ! En 2013, enceinte de son premier enfant, elle a la chance d’être accompagnée par une sage-femme qui la prépare à une naissance respectueuse et apaisée, au point d’accoucher dans la douceur et sans aide médicale. Mais en en parlant à ses amies, Lucile réalise que cette expérience d’accouchement heureux est très loin d’être la norme… Elle décide donc d’ouvrir un blog, qui se transforme par la suite en bande dessinée « La Naissance en BD ». Objectif ? Partager ses connaissances pour montrer qu’une approche empathique et bienveillante est possible dans cette aventure. Expulsions, péridurales or not péridurales, mais aussi peurs, ou encore besoins du bébé, aucun sujet n’est éludé. Une BD drôle, décomplexée, bienveillante et très bien informée, à mettre entre toutes les mains de parent.e.s.
Extrait de “La Naissance en BD – Tome III”, par Lucile Gomez (Mama Editions)
Extrait
« Osons poser les questions, et obtenir des réponses qui rassurent ou des solutions pour être la plus tranquille possible. Osons le faire vraiment. Quel que soit le sujet, il n’y a rien de ridicule. Et si vous vous sentez ridicule, pensez à cette autrice de BD qui a publié un livre avec le mot « caca » écrit plus de 20 fois en seulement quelques pages. Rappelez-vous que c’est pour la bonne cause, et qu’elle n’en est pas morte. »
#4 « Faire famille autrement », par Gabrielle Richard (Collection « Sur la Table)
Et si on allait voir du côté des queer… Ce que l’on peut apprendre de la famille ? Voici le postulat (très très résumé) du nouvel essai de Gabrielle Richard. Sociologue et chercheuse, spécialistes des questions de genre et de sexualité, l’autrice québécoise nous avait enchanté avec son précédent ouvrage « Hétéro, l‘école ? » paru en 2019, dans lequel elle démontrait combien les institutions scolaires étaient (sans le dire) vectrices d’une pensée uniforme sur l’hétérosexualité et les stéréotypes de genre. Dans ce nouvel ouvrage, c’est à la famille que s’attelle Gabrielle Richard, elle-même mère, au sein d’un couple queer. Mêlant son expérience personnelle, ses connaissances sociologiques, et le recueil de témoignages d’autres familles queer, l’essayiste montre à a fois à quels jugements sont confrontées les parent.e.s queer ; et aussi ce que les représentations parentales pourraient apprendre d’elleux. Probablement le livre que j’ai le plus envie d’offrir à Noël.
Extrait.
« Ce livre explore les manières de faire famille autrement, en dehors des impératifs de binarité de genre, d’hétérosexualité et de complémentarité homme-femme. Queerer la famille, c’est la repenser libérée de ses assisses normatives. »
#5 « Psy, pute, curé – Trois pratiques de la relation intime », par Antoine Guénin (Éditions Les Pérégrines).
(A paraitre le 20/01/2023)
Si vous aussi ce titre vous a fait tousser, vous êtes au bon endroit. Quels liens peut-il y avoir entre un.e travailleur.euse du sexe, un.e psychologue et un.e curé ? Et si ces trois professions, ou vocations, avaient bien plus en commun que ne le suggère l’image que nous en avons ? Bienveillance, oreille de l’indicible, réceptacle des maux que la société ne veut pas entendre, ces trois personnages sont au cœur de nos vies comme la noisette au cœur du ferrero. Dans cet essai étonnant, le psychologue Antoine Guérin – qui a lui-même connu plusieurs professions – croise des documents du Vatican, des témoignages de confrères.soeurs psychologues et des écrits de militant.e.s travailleur.euse.s du sexe pour montrer ce que les trois pratiques ont en commun. Écoute, recueil de la parole, contact humain, secret, rapport humain sécure et contrôlé, plus que leurs différences, ce sont ce que ces trois professions en ont commun qui est surprenant.
Extrait.
« Le temps partagé par le psy, la pute et le curé est loin de se réduire à l’argent. Au contraire, je crois qu’il relève d’abord d’une rencontre. L’argent permet d’acheter du temps de l’autre, mais ne peut décréter de quoi sera fait ce temps partagé. On pourrait croire que tout.e participant.e voudrait que l’amour se manifeste lors d’une telle rencontre. Et bien… pas nécessairement. »
#6 « Nos jours suspendus », de Coralie Bru (Éditions Équateurs)
(A paraitre le 11/01/2023)
Voici encore, une fois n’est pas coutume dans cette liste, un magistral premier écrit. Coralie Bru raconte ici le destin entrelacé de trois femmes, une mère, sa fille, et Rose, une femme qui deviendra le lien entre elles, leur confidente. Lorsque la fille de seize ans tombe enceinte, et comme elle ne souhaite pas être mère, sa mère et elle entreprennent à deux ce parcours encore jalonné d’embuches qui consiste à avorter. Culpabilité, sentiment de ne pas pouvoir en parler, mais aussi médecins invoquant encore la clause de conscience et refusant de les orienter… Trois femmes auxquelles la société renvoie que ce qui se passe dans leur ventre doit rester un secret, et surtout rester leur responsabilité. « Nos jour suspendus » parle de sororité, mais aussi de ces heures sombres que vivent celleux qui peuvent porter la vie, dans un monde patriarcal qui les blâment quel que soit leur scénario de vie.
Extrait.
« – C’est la merde d’être une femme, quoi, conclut-elle pour accompagner le sourire que je lui propose.
– Je ne pense pas que ce soit toujours le cas, mais on va beaucoup se dire ça ces jours-ci, oui. »
#7 « L’été du vertige » par Adlynn Fischer (Éditions La ville Brûle)
Prenez un.e adolescent.e (Louise) qui s’est toujours questionné.e sur son identité, sa petite sœur Marion, une tornade nommée Aurora, et laissez-les seul.e.s à la maison pendant plusieurs jours… Vous récolterez la tempête et le vertige. Parce que Louise ne comprend plus très bien qui iel est, l’absence de son père et une nouvelle rencontre vont être le déclencheur pour oser faire ce qu’elle n’a jamais fait avant : aller côtoyer les frontières de ses limites. Entre rage, peur, et pétage de plomb collectif, les jours plus longs et moites, et les nuits plus incandescentes de ces semaines d’été resteront à jamais pour ce groupe un rite de passage. Auquel le crépitement d’une allumette qui prend feu en une seconde les ramènera toujours. Adlynn Fischer a obtenu son master en bande dessinée à Bruxelles, et est également titulaire d’un master en littérature ; « L’été du vertige » est un chef-d’œuvre et sa prodigieuse première bande dessinée.
Extrait.
« Le vertige c’est
A la fois une peur et une attraction
Comme un appétit de soi-même.
L’envie de découvrir ce dont
On est capable
Perdre pied
Pendant un instant
Se rendre compte
De l’immensité
De l’immensité du vide
Et vouloir y plonger. »
#8 « In Vino Femina – Les tribulations d’une femme dans le monde du vin », par Alessandra Fottorino & Céline Pernot-Burlet (Editions Hachette Vins)
Il manquait un soulèvement post #MeToo dans l’œnologie, le voici. Alessandra Fottorino est sommelière, formatrice, caviste. Autant de métiers pour lesquels elle a relevé des défis, suivi des études, testé encore et encore ses connaissances. Pourtant, l’un des plus grands défis qu’elle a eu a relevé porte le nom de sexisme. Un sexisme dont elle prend conscience tout de suite en entrant dans « le monde du vin », celui des passionné.e.s d’œnologie. Mains baladeuses, blagues lourdes et répétitives, harcèlement des supérieurs hiérarchiques… Mais aussi sexisme des clients, tout y passe. Mais pas question pour Alessandra Fottorino de produire ici une bande dessinée sombre – superbement mise en image par Céline Pernot-Burlet – : ces histoires sont aussi l’occasion de partager sa passion toujours immodérée pour les vins, mais aussi d’écrire la grande Histoire des femmes et du vin. Car oui, les femmes ont toujours au cœur de la création du nectar. Une cuvée royale pour tordre le coup au sexisme, et en rire un bon coup, un verre de vin à la main, en disant « plus jamais ».
Extrait.
« Voilà Monsieur, un beau Rully blanc avec vos Saint-Jacques. Un Marcillac avec votre viande braisée, vous allez vous régaler ! »
– J’en ai l’eau à la bouche, merci Mademoiselle.
(Le client homme se tournant vers l’associé d’Alessandra)
– Dites-donc, c’est qu’elle s’y connaît un peu dans le vin, votre employée !
(L’associé)
« C’est mon associée, Monsieur, et elle est sommelière formatrice ».